"Tu es un garçon bien" ... parait-il ... (1/2)
Garé quelques minutes auparavant [un exploit en plein XXème, vu le quartier en plus], je me suis dit que j’avais besoin de marcher un peu nonobstant le fait que je n’ai plus de jambes. Marcher pour m’épuiser un peu plus, marcher pour découvrir ce quartier que je ne connais pas, marcher pour rassembler toutes ces idées histoire de maintenir un peu de cohérence en apparence.
J’arrive devant chez lui, un petit coup de code, j’entre. Après une entrée couverte assez sombre, je pénètre dans un jardin et là, je décroche mon téléphone. Je l’appelle. Il attendait mon appel, il m’appelle tout de suite par mon prénom. Il vient à ma rencontre …
Je suis bien habillé [comme j’essaye de l’être le plus souvent possible], il parait devant moi … je n’étais pas si loin !
Nous montons chez lui … c’est la première fois que je viens ici. Tout cela lui ressemble exactement, c’est ce que je lui dis d’emblée. Il s’assied et m’invite à faire de même. Je choisis un fauteuil qui grince un peu … Nous parlons de travail, il me demande comment ça va. Je lui fais part de mes frustrations en la matière mais, avec la résignation conjoncturelle liée à la situation économique abominable, je fais contre mauvaise fortune bon cœur …
- Bon alors, Tto, tu voulais venir me parler de quelque chose non ?
- Oui … Mais permettez-moi d’introduire mon propos en vous précisant que si je suis là ce soir, c’est que je ne sais pas vraiment pourquoi. Je sais juste que vous avez été celui qui m’a sauvé la vie il y a 24 ans, que j’ai la plus profonde admiration pour vous, que je ne serai pas là si vous n’aviez pas été là. Donc, tout ça pour vous dire que si je suis là ce soir, c’est que ça va vraiment mal.
- Oui, je me doute … je l’ai lu dans tes yeux la dernière fois chez tes parents …
Oui, ça va mal et c’est précisément parce que cela va très mal que, déboussolé, je suis revenu le voir ce soir là. Cruel retour vers le futur pour moi, abominable impression qui me pulvérise parce qu’elle me fait revivre le pire avec les saveurs qui l’accompagne. Pourtant, c’est mon chemin de croix. Oui, je viens le voir ce soir parce que j’en ai besoin, parce que je suis plus fébrile et fragile que le garçon de 9 ans qui venait se réfugier alors dans son bureau. Oui, là, il y a urgence ! Il est prêtre, j’adore sa voix reposante, son écoute est immense. Et moi, je suis à deux doigts de craquer …
- Alors, dis moi …
- Ben que vous dire que vous sachiez déjà puisque ma mère vous a expliqué quelques choses …
- J’ai besoin de l’entendre de ta part. Je te connais bien tu sais. Et si tu es là ce soir, devant moi, c’est qu’il n’est plus temps d’esquiver.
- Bon alors … c’est, excusez-moi du terme, le bordel dans ma vie.
- …
- Je suis paumé, tiraillé entre des envies contradictoires dont j’ai coutume de dire, pour la formule, que mes désirs font désordre. Tout ce qui m’arrive n’est pas bien grave puisqu’il ne s’agit que de mon petit cœur en définitive. Mais moi qui ait toujours voulu me protéger à ce niveau là en me surprotégeant quitte à vivre sur la retenue, je me suis piégé. Je vis à 150 km/h depuis des années et là … je suis fatigué parce que la machine s’enraye, parce que tout se complique, parce que rien ne fonctionne comme cela devrait, parce que je subis tout.
S’en est suivie une discussion à bâtons rompus où j’ai tout déballé même ce qu’un prêtre n’est pas, en règle générale, en mesure d’écouter sereinement. Tout … sans compromis.
To be continued