La première fois que ... j'ai dessiné un bonhomme

L'étape d'une vie ... un p'tit gars qui dessine son premier bonhomme. Mais vous vous rendez pas compte ... Comment pourrais-je prétendre un jour devenir le nouveau Léo de Vinci [avec tous les codes qui viennent derrière bien sur] si je faisais l'impasse sur ce choc, que dis-je cet événement planétaire qui me vit faire un grand pas ...

Il faut au préalable que je vous livre un petit détail, qui a tout de même son importance : j'étais à l'école ! [Oui, ça n'a l'air de rien comme ça ... mais c'est un peu le détail qui tue ... vous allez comprendre !] Bon, d'accord, je précise un peu : j'étais en deuxième année de maternelle, j'avais 3 ans [et toutes mes dents ... ça n'a pas changé] et j'étais dans une classe avec une maicresse d'école super géniale, tellement merveilleuse, hyper pro, totalement dévouée à son métier et ses chères têtes blondes, un peu vociférante ... mais je n'avais d'yeux que pour elle ... Physiquement, elle me ressemblait un peu ... c'était ma mère !! Ben oui, j'ai fait une année de classe avec Môman ... Vous allez voir, c'est du bonheur en concentré Nestlé !

C'est donc le printemps, je me souviens parfaitement de la classe : des petites tables oranges à côté de la porte qui donnait vers la cour de récré, d'autres vers le coin des jeux, d'autres enfin plus reculées vers le couloir. En entrant, vous tombiez sur le grand tapis où tous les momes s'asseyaient quand il fallait écouter la maîtresse. Et puis, au fond, les jeux, les dinettes, les poupées pour les filles, etc ... n'oubliez pas que sur la cloison qui nous séparait du couloir, étaient exposées nos oeuvres collectives qui, il faut le reconnaître, ne ressemblaient pas à grand chose : coloriages baroques, traits approximatifs, couleurs très modern-art [pratique pour régler sa télé HD-Ready vue la palette de couleurs jetées sur ce pauvre papier qui, à la "lumière" du résultat, serait bien resté tout blanc s'il avait eu son mot à dire], travaux de terre cuite qu'un snobinard de la FIAC aurait forcément analysé comme le dessein d'un artiste torturé mais tellement sensible que cela allait boulverser le dogme post-pictural de l'école suisse d'arts plastiques ... Autant dire que c'était pas le musée du Louvre mais bon, on avait 3 ans bordel !!!

Donc, ce jour là, il fait beau. Le printemps est arrivé, le soleil innonde la cour et c'est le matin. De mémoire, il est dix heures passées parce que la collation du matin a déjà eu lieu : le verre de lait a été avalé comme tous les matins avant la récré !

La mission du jour : faire un bonhomme ! La maîcresse a été claire, de sa voix si douce qui vous ferait sursauter Bernardo [de chez Zorro] et Beethoven en même temps : ils ont intérêt à être beaux ces bonhommes ...

Evidemment, ça ne loupe pas : c'est la grosse galère ! Les têtes ressemblent à de bonnes vieilles patates picardes toutes juste sorties de terre, les yeux sont excentrés et par chance, y'en au moins dans la tête ..., les bras ne sont pas autre chose que de vieilles branches chétives qui ne sont pas vraiment raccordées, les mains ... je ne vous en parle pas ! Quant aux jambes ... euh, faut être un gymnaste soviétique hyper entrainé pour pouvoir les écrater comme ça ... et encore sous la torture d'un agent sadique du KGB. En un mot, ça ne ressemble à rien et certainement pas à un bonhomme.

La mâicresse est furax ... et moi qui la connait un peu, je peux vous dire que quand elle est furibarde ... ça valse : les décibels montent crescendo comme la moutarde de Dijon toute neuve ... vous savez celle qui vous arrache quelques larmes tellement vous êtes content(e) d'avoir presque résisté à cette vague de napalme dans la bouche ... Eh ben, Môman euh la mâicresse, c'est pareil. Elle devient toue rouge, elle hurle des trucs abérrants ... on se moque du monde, on fait n'importe quoi, on sera privés de bonbons ... le loup va venir nous dévorer [oui, il y a un loup dans l'école qui mange les enfants pas sages qui après avoir séchés dans le placard à affreux ... il faut le savoir : le loup n'aime pas la viande tendre d'enfant ... c'est comme ça !], bref, le pire nous est promis. Les plus sensibles craquent, certain(e)s jouent déjà les faillot(e)s en implorant la maîcresse d'un regard tellement surfait qu'un cocker aurait trouvé ça exagéré !

Inflexible, la mâicresse procède à la nouvelle distribution de feuilles blanches et donne de très claires instructions : y a intérêt à ce qu'un bonhomme digne de ce nom apparaisse sur ces feuilles et plus vite que ça !!

Une mouche se serait faite repérée tellement tout est silencieux. C'est tellement calme que la maîcresse va voir sa collègue dans la classe d'à côté [elle aime bien y aller, des fois rien que pour pousser une geullante ... mais oui !] et reste sur le pas de la porte communiquante de leurs deux classes juste histoire de garder un oeil sur nous.

Et là, c'est le bonheur intégral pour moi : j'y suis arrivé ... la tête est assez bizarre mais tout le reste se tient globalement ... J'ai fait mon premier bonhomme !!!!!

Comme l'aurait fait n'importe quel môme qui vient d'accomplir un exploit de cette envergure [un truc de dingue, j'vous dis], je suis fou de joie et avec un peu trop de naturel, je me lève d'un coup, j'attrape mon chef d'oeuvre et je me rue vers ma mère ...
- Maman, maman, regarde, j'ai réussi ... regarde comme il est bien, j'ai reussi ...

En m'approchant d'elle avec mon trophée qui valait tous les oscars déja distribués ... d'un coup, je vois ma mère se raidir :
- Oui, d'accord tto ... tu retournes à ta place. Tu écoutes ce que dit la maîtresse : si tu as fini, tu attends que les autres soient comme toi. Y a pas de maman ici, je te l'ai déjà dit !

C'est plus une douche froide, c'est carrément toute la banquise que je me suis ramassé d'un coup. Piteux et sonné, je suis retourné à ma place, j'ai attendu ...
Plus tard quand on était plus que tous les deux dans la classe, ma Môman m'a expliqué ceci et cela ... qu'elle était contente ... mais c'était trop tard. J'ai gardé mon premier bonhomme.

Voila, c'est comme ça que ça s'est passé.

Tto, bâché

Comments

[tto]

Comment ça ? J'suis schizo, moi ???
Le fait est que quand tu as 3/4 ans, c'est assez hard de faire la part des choses même si, retrospectivement, je comprends aussi la position de ma mère. Cela dit, j'ai toujours dit qu'il n'était pas souhaitable d'avoir l'un de ses parents en instituteur(trice) ... et je ne le souhaite pas à grand monde !

[Ma Fenêtre]

Il te fallait déjà gamin être schizo... ce doit pas être évident!