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une vie de tto
19 avril 2006

Et vous ... qu'en pensez-vous ?

Le mois du Bambou Magique est le prétexte à parler de choses légères ayant rapport avec le sesque, le désir et tout ce qui va avec.
Pour autant, on peut parler de sexe en abordant des sujets de fond, des sujets graves qui ont pour intérêt de replacer quelques cases à leurs justes places.

Aussi, je viens de lire un truc intéressant sur le blog de Ron l'infirmier (que vous pouvez parcourir à l'adresse suivante : http://ron.infirmier.free.fr/modules/news/article.php?storyid=881)

Je vous livre le contenu in extenso de son message :

Marie, 47 ans, mère de Marco, 21 ans, tétraplégique.

" J’ai commencé à masturber Marco il y a deux ans, après une émission que j’avais vue à la télé Suisse, un soir, par hasard. Nous étions tombés dessus, tous les deux, et il m’avait demandé simplement, au coucher, si je pouvais réfléchir à ça.
J’avais été très choquée, bien sûr, sur le moment, très très choquée, oui, j’avais rougi, j’avais hoqueté, bafouillé une bêtise, fermé la porte de sa chambre et puis j’étais revenue en m’énervant un peu, en lui criant dessus et il m’avait calmé d’une phrase :
- Mais enfin, maman, nous avons bien regardé la même émission ?

Il n’en a pas reparlé le lendemain matin ou les jours suivants mais je sentais bien son regard insistant, limite accusateur, comme si j’avais soulevé un lièvre que je voulais désormais enterrer. Ne plus jamais évoquer ce sujet.
Ca ne cadrait pas du tout avec mes belles paroles sur la vie, sa vie, ses désirs, sa sexualité, ses choix.
Je suis un peu soixante-huitarde, moi, vous savez, un peu fofolle, j’ai été éduquée à la très cool dans une communauté, j’ai eu plein d’amants, plein, je ne suis pas très bien sûre du père de Marco parce qu’à ce moment-là j’avais deux copains différents, double possibilité de tomber enceinte et que je n’ai jamais cherché à savoir ni à les revoir.
J’ai eu Marco, je l’ai élevé seule, nous avons eu une vie tranquille, on est montés à Paris, on a eu l’appart par une amie qui était partie vivre au Canada, moi j’ai trouvé l’emploi à la mairie au service culturel et Marco a toujours été facile à vivre, un gamin sans histoire, scolarité tranquille.

Non, l’accident de scooter a tout changé mais pas tant que ça, il y avait de l’amour, il y en a eu encore plus après, peut-être paradoxalement que nous nous aimons plus fort avec l’accident parce que nous savons à quel point nous sommes connectés.
Marco n’a jamais aimé que ce soit d’autres personnes pour la toilette, pour les soins, pour les repas et moi je n’aime pas le confier à des gens que je ne connais pas, à des soignantes pour qui il ne sera qu’un bout de viande à nettoyer dans une matinée de boulot.

On a continué notre vie mais à la maison, moi j’ai pris le mi-temps et lui il a pris les cours par correspondance, l’internet dès qu’on a pu, moi j’ai appris le piano dans sa chambre et la peinture après, lui il assistait à tous les cours et il m’engueulait quand je n’avançais plus ou quand j’oubliais d’une semaine sur l’autre les gammes apprises avec le prof.
(Elle rit)
Bien sûr on a parlé de sexe à la puberté et pas qu’un peu, il était en retard à ce niveau et il a eu les premiers poils assez tard et moi j’étais même inquiète pour lui parce que je me demandais si la tétraplégie lui causait pas un retard hormonal ou psychologique de je ne sais quoi, j’en ai lu des ouvrages, des pages et des pages de conneries neurologiques mais non, il a eu sa puberté et on a parlé de sexe mais de façon très naturelle, très désexualisée en fait je me rends compte maintenant, on parlait de sexe comme je lui aurais appris la couture, avec la méthode et les bon tuyaux mais sans jamais passer à la pratique.

Enfin, moi j’ai pas de tabous sur le sexe et j’étais fière de pouvoir en parler à mon fils parce que ça me semblait la moindre des choses vu que finalement mes parents qui m’avaient plus ou moins fait vivre une vie de libérée, lorsqu’on avait parlé de sexe et de perdre ma virginité, là ça avait été la guerre des tranchées et mon père se retrouvait finalement confronté à la vision de sa fille dans les bras d’un homme et là le flower power et les années peace et le no future on interdit rien, enfin, tu vois les conneries de gauche classique, enfin donc on disait plus que c’était cool tout ça quand sa propre fille allait se faire sauter.

Moi, je m’étais dit " avec Marco, ça sera jamais dans l’interdit, dans le déni, dans le coincé du cul (elle rit), ce sera dans le sain et le détendu, on va lui dire que c’est beau, c’est naturel, que faire l’amour c’est aussi vital que bien manger ".

Et tu penses bien qu’après l’accident de scoot, moi, sa sexualité, je l’ai un peu occultée, l’important c’était de se réapprendre un quotidien autour de sa chambre, de son lit, de se faire un projet de vie basé sur ses nouvelles capacités limitées et de rêver un peu à ce qu’on pouvait atteindre, plus à ce qu’on voulait atteindre. Vouloir, quand on est tétra, c’est bien mais faut être réaliste, moi je dis, parce que quand tu réalises au pied de l’escalier que la volonté elle suffira pas à te le faire monter, ben tu arrêtes de rêver au haut de l’escalier et tu passes par le côté, finalement.

L’émission elle a un peu tout chamboulé parce que Marco, d’un coup, il a compris que sexuellement, il pouvait lui aussi avoir des désirs et les satisfaire et et qu’il pouvait même en tirer du plaisir. Il savait qu’il pouvait bander, enfin, bander, je n’aime pas le terme, il savait qu’il avait des érections et qu’elles duraient souvent à le faire souffrir, mentalement et physiquement, mais surtout il a pris conscience qu’il avait le droit de les avoir et de les utiliser.
De les intégrer à sa vie de tétra, de construire un projet de vie avec, comme avec son pouce gauche qui est le seul organe qu’il mobilise, comme avec son souffle, qui lui permet d’utiliser la souris vocale, comme avec son gros pouce du pied, qu’il arrive à contracter on sait pas comment et qui lui sert à m’appeler en urgence quand la sonnette du haut ne marche plus.

Là, Marco il voit l’émission et il me dit :
- Maman, j’ai des douleurs le matin tellement je bande et des fois, je sens que je t’en veux, que je t’agresse, que je suis désagréable avec toi parce que j’ai toute cette énergie en moi, toute cette frustration qui doit bien sortir, qui demande qu’à sortir et qui peut pas alors qu’elle devrait, pour mon bien-être. Maman, il faut que quelqu’un me le fasse, j’y ai droit.

On a cherché une professionnelle, dans un premier temps, oui, une pute, c’est ça, mais nous n’étions absolument pas confortables avec l’idée de payer une travailleuse du sexe pour satisfaire mon fils, il y avait un côté bourgeois Haussmannien que je n’aimais pas, un côté " je laisse le sale boulot à une petite main " et puis je me suis dit, un matin, comme ça, j’avais les mains dans la merde, la merde de mon propre fils, je me suis dit " ma fille, si tu peux lui torcher le cul depuis sept ans, et ben tu peux lui donner le plaisir qu’il a le droit d’avoir sans passer par une pute, parce que ça ne le mettait pas à l’aise plus que moi, tu vois, cette nana. "

Après on a eu la phase où il s’est demandé s’il était pas un peu homosexuel mais non, ça a duré une semaine (rires) alors j’ai dit ouf, parce qu’alors là, on aurait trouvé qui, en main rugueuse, pour venir le masturber à la maison, vas-y, toi, j’allais pas demander à mon ancien patron de venir, c’est le seul gay que je connais et il a pris des photos de Marco à la maternité non mais t’imagines le binz ?


On a notre petit rituel, enfin, son petit rituel m’a conseillé de penser la psy, plutôt (oui, j’en ai parlé à ma psy qui n’était pas pour mais qui en a vu d’autres et qui ne dit plus rien maintenant), oui c’est son petit rituel.

Je le masturbe tous les mardis, tous les jeudis, plutôt le matin, au réveil, il aime ça, avec de l’huile de massage que j’achète chez Sephora, une petite huile odorante qui aide le décalottage et qui lui permet de jouir en quelques minutes. On ne dépasse pas les cinq minutes pour éviter que j’attrape le tennis-elbow (elle rit) et puis parce que j’ai aussi autre chose à faire, après.

Une fois qu’il a fini, je le laisse quelques minutes tranquille puis je reviens, je le couvre d’une serviette, je lui sers le petit-déjeuner et après, je le lave à la toilette, comme d’habitude. Nous n’en parlons jamais, jamais.
C’est devenu un soin comme un autre.

Parfois, je me prends le walkman et je regarde la télé, lui il ferme les yeux et moi je pense à autre chose, des fois je l’entends crier " Maman, arrête, c’est fini, arrête, tu gâches tout ! ".

Parfois, je regarde par la fenêtre. Il est beaucoup mieux dans sa peau depuis que nous le faisons, en tout cas, beaucoup mieux. Je veux qu’il soit heureux, équilibré, oui, je veux qu’il se sente bien.
Et je ne me pose pas de questions.
Moi, quand je veux être bien, il me suffit de prendre le métro et d’aller au yoga et après je vais lire au Parc Monceau.
Ca, mon fils, il ne peut pas le faire.
Je l’ai mis au monde et c’est ma responsabilité. "


Propos recueillis par Ron, Avril 2006.


En voila une belle question éthique, de société voire morale ? Et en voila un joli débat qui peut s'amorcer par voie de commentaires sur ce message ou sur le blog de Ron ...

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Commentaires
L
Je comprends que cet article puisse soulèver un vrai dilemme moral; mais à situation hors du commun, solution hors du commun. <br /> <br /> Ce qui aide grandement à comprendre et à admettre tout ça tient beaucoup à la personnalité de la mère qui apparaît comme très humaine, ouverte et sympathique. Alors, ok, ça reste "border-line", mais au final, c'est une sacrée belle preuve d'amour.
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B
Pour répondre à Dyaka, dans ce cas je ne considère pas cela comme de l'inceste, il s'agirait plutôt d'hygiène : réduire la souffrance car à ce niveau là je considère cela comme une souffrance. Mais je peux comprendre que l'on pense le contraire.
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D
pour répondre au message précédent, je serais aussi gênée quant à moi si c'était mon père que si c'était ma mère dans cette circonstance, je ne vois pas trop ce que çà change, et si jamais il était homo, ce serait encore bien plus compliqué d'imaginer quelle répercussion çà a, donc...
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T
Qu'en pense-je ? Je pense qu'il est extrêmement ardu de condamner d'emblée de tels actes dans la mesure où l'on ne sait pas vraiment comment l'on réagirait si, par malheur, on devait être confrontés à cela. Toutefois, la vertu du propos est bien de remettre certaines lignes en perspective. Je considère également que Mario a de la chance d'avoir la mère qu'il a.<br /> <br /> Je comprends que cela puisse choquer. Mais je refuse d'admettre que l'on ne soit pas assez souple pour reconnaître à des personnes qui vivent un vrai martyr un peu de douceur (même si en l'occurrence, cela s'apparente plus à du soulagement tant les érections de Mario sont apparemment douloureuses ... il n'a pas forcément besoin que l'on en rajoute encore un peu plus ...). <br /> Ce qui me soucie le plus est l'équilibre de la mère de Mario qui s'en trouve totalement bouleversé par ce qui est désormais un rituel. J'avoue qu'à tout prendre et pour minimiser les risques psychiatriques, j'aurai préféré que ce soit son père ou son frère qui se dévoue dans la mesure où l'on s'éloigne un peu de la notion d'inceste (qui consiste en des relations sexuelles prohibées entre parents très proches mais de sexe différent).<br /> En tout état de cause, une telle situation a pour effet de poser définitivement la question de la satisfaction des besoins sexuels des personnes suffisamment handicapées pour pouvoir y parvenir (physiquement) seules. Grand débat que celui-ci dans notre société si conformiste et attachée à de vils critères de normalité tous plus illusoires les uns que les autres ...
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B
Certaines âmes mal pensantes y verront de la perversité, je ne vois que de l'amour et de la compassion. Plutôt exemplaire et courageux !
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