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une vie de tto
15 avril 2020

Vertigos

VertigosSi chacun a sa vision du problème teinté de plus ou moins de prismes idéologiques [certains ne l'étant pas complètement ... logiques], il n'e n demeure pas moins vrai que l'événement que nous vivons tous est majeur sinon assez inédit.

Au delà du fait de savoir s'il est de plus forte ampleur ou moindre que d'autres [les comparaisons avec la grippe espagnole ne valant pas grand chose compte tenu du fait que les hypothèses économiques et sociales de base sont fondamentalement différentes]. Pour autant et parce que j'aime encore me raccrocher à des repères, une question m'obsède : le Covid-19 provoque-t-il une crise supérieure ou moindre que celle de 1929 qui fut suivie de la grande dépression ?

Et comme pour la grippe espagnole [dernière pandémie ravageuse en date, si l'on excepte le SIDA], les lignes de comparaison ne valent pas raison quand bien même certains éléments donnent le vertige.

Krach de 1929 — WikipédiaCe qui frappe d'abord, c'est le plongeon des marchés financiers. En la matière, le jeudi noir de 1929 n'a effectivement rien à envier à l'effondrement des bourses de mars 2020. La comparaison tient le coup : deux des six plus fortes baisses depuis la création de l'indice S&P 500 [indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses aux États-Unis] datent de cette année. Le S&P500 a en effet chuté de 9,5% le 12 mars 2020 et de 12% le 16 mars, contre des plongeons de 12,9% le 28 octobre 1929, 1,2% le lendemain et de 9,9% le 6 novembre 1929. De fait, ce que les analystes appellent le niveau de la volatilité [propension à la baisse et au rebond quasi quotidien] est tout aussi comparable au krach de 1929 comme je l'indiquais ici, étant également souligné que la force des baisses n'a jamais été aussi forte ... et c'est là que la comparaison trouve sa limite : 2020 est presque pire.

Voir l'image sur TwitterCette débâcle a évidemment des conséquences sur le marché de l'emploi et le marché américain est un thermomètre quasi immédiat. Les demandes d'inscription au chômage outre-atlantique ont bondi à des niveaux inégalés en termes de d'ampleur : si Trump se félicitait d'avoir une économie prospère qui donne du travail à tout le monde, c'est de l'histoire ancienne. 10 millions d'américains se sont inscrits en quelques semaines : la courbe ci-contre qui retrace les 50 dernières années est éloquente. Certains experts estiment, dans des projections qui valent ce qu'elles valent, que 46 millions d'américains pourraient se retrouver au chômage à court terme. Avec de telles perspectives, le taux de chômage pourrait dépasser les 30% de la population active ... soit un niveau plus élevé que lors de la Grande Dépression des années 30 qui a suivi la crise de 1929. A cette époque, un pic avait été atteint à 24,9% et était resté très haut jusqu'en 1938 où il était encore de 20% ... c'est trois fois plus fort que ce qui fut constaté à l'occasion de la récession de 2008-2009 à la suite de la crise des "subprimes". 

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Pour ce qui concerne le fameux produit intérieur brut [PIB] des États-Unis, rappelons que celui-ci avait plongé de 26,7% sur 3 ans et 7 mois entre 1929 et 1933 puis de 18,2% sur 13 mois de 1937 à 1938. Au moment où l'on annonce des prévisions de décroissance du PIB français qui s'enfoncerait de 6 à 8% en 2020 sans parler des années suivantes, le PIB pourrait chuter de 24% au deuxième trimestre 2020 selon Goldman Sachs et même de 30% pour Morgan Stanley. On est donc sur des bases assez similaires ...

Tout porte donc à croire que nous vivons la crise de 1929 ... et pourtant, en dépit des apparences, ce n'est pas exact.

L'avantage de l'Histoire est qu'elle permet d'apprendre de ses erreurs [vérité relative, je te l'accorde mais à laquelle je me raccroche malgré tout]. Ainsi, si après le krach de 1929 la banque centrale américaine avait assoupli sa politique monétaire pour, traditionnellement, voler au secours de l’économie américaine et de Wall Street, il faut rappeler que la FED [la Réserve Fédérale] avait commis de graves erreurs de relever son taux d'intérêt pour garder son or, de stopper les injections de liquidités, ce qui avait fait replonger l'économie dans une profonde récession en 1937 du fait du resserrement de la politique monétaire destinée à éviter l'inflation. De plus, la FED avait laissé tombé plusieurs banques en faillite. En 2020, le scénario ne semble pas devoir être le même parce que les banques centrales [BCE et FED comme d'autres] ont très rapidement réagi face à la tourmente. Le fameux "Quoi qu'il en coûte" prononcé très vite par Emmanuel Macron semble être la boussole qui guide les grands argentiers mondiaux. Surtout, la réaction des dernières semaines tranche carrément avec ce que l'on avait vu en 2008, considérant qu'il vaut mieux éteindre les petits embrasements que les grands feux que l'on ne pourrait plus maîtriser. 

Les chocs économiques et financiers liés au Covid-19 n'ont pas non plus laissé les gouvernements des grandes puissances inertes. Donald Trump y est allé de son plan de relance record, et tous les pays puisent dans la dette pour tenter de colmater le navire dont la coque affiche des signaux alarmants de faiblesse. Même l’Allemagne abandonne l'orthodoxie budgétaire ! Angela Merkel envisage même de s'endetter à hauteur de 156 milliards d'euros et pourrait même prononcer quelques nationalisations. 
C'est là une approche très différente de celle de 1929 : pendant la Grande dépression des années 30, les gouvernements américains avaient cherché à équilibrer le budget et à réduire les dépenses. La Grande Dépression avait entraîné une réduction des dépenses publiques qui n'est pas franchement à l'ordre du jour en 2020. De plus, les filets de sécurité comme la sécurité sociale ou l'assurance chômage n’existaient pas et bien qu'ils soient coûteux aujourd'hui, ils ont tendance à amortir un peu le choc sur l’économie et espérer une reprise moins difficultueuse.

Si les symptômes semblent donc les mêmes et bien qu'il ne s'agisse pas du tout de la même crise [puisque les causes de chacune sont très différentes : 1929 était une crise de surproduction, 2020 est une crise sanitaire qui a mis à l'arrêt la logique productive mondiale], la fièvre qui va s'en suivre sera donc différente et c'est précisément là que le vertige reprend parce que personne ne sait, aujourd'hui, où l'on va. Aucun survivaliste prônant la décroissance qui se réjouit de la fin du capitalisme libéral n'est en mesure d'imaginer où l'on va ni vers quoi l'on s'achemine. On reproche tout aux dirigeants actuels [Emmanuel Macron est forcément un incapable qui ne sait rien gérer, comme le scandent des opposants qui n'aurait pas déjà su faire le quart de la moitié de ce qui a été fait ou qui sont dans l'incapacité flagrante d'avoir une cohérence de discours même deux minutes] alors qu'ils apprennent en marchant. Oui, cette crise sanitaire est inédite et les déflagrations qu'elle induit seront dévastatrices sans compter les inévitables répliques qu'elles charrieront. L'effort de réinvention est vital parce qu'il semble clair que l'hypothèse selon laquelle cette crise serait une parenthèse ne tient pas. Il va falloir trouver de nouveaux fondamentaux, idéalement moins carbonés et plus durables, plus localisés et moins sujets à la concurrence acharnée ... des équilibres renouvelés dans le budget des nations en cessant d'assigner des objectifs concurrentiels et productivistes à la santé qu'on avait imaginé comme une industrie de service. Le chapelet de voeux pieux est impressionnant, surtout quand à la première occasion les individualismes ressurgissent avec la vigueur qu'on leur connaît. Et encore, tout cela suppose que la crise sanitaire cesse dans quelques semaines. Or rien n'est moins sûr ... le vertige est total.

Je sais, au moins, que nous ne revivons pas la crise de 1929. Nous vivons autre chose, qui est probablement plus grave.

Tto, en plein étourdissement

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