Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
une vie de tto
27 janvier 2020

Le Prince bleu

Le Prince bleuIl y a des nouvelles qui peinent plus que d'autres ... le décès de Michou [de son vrai nom Michel Georges Alfred Catty] ce dimanche fait partie de ces regrettables dépêches, parfaitement dispensables.

Haute figure [sinon dernière figure] des nuits parisiennes et prince de Montmartre, Michou était un bon client, un amiennois qui avait pris l'étiquette du titi parisien pour ne plus jamais quitter la rue des Martyrs dont il fit l'épicentre d'une certaine idée de la fête. "Champaaaagne" gueulait-il sur des arpèges improbables à toutes occasions, c'est peut-être parce qu'il fallait s'étourdir à toutes occasions pour combattre l'inéluctable morosité qui fait perdre trop de temps. 

"J’ai annoncé très jeune à ma mère que j’aimais les hommes. Elle m’a demandé ‘Es-tu heureux ?’. C’était le principal pour elle. Je pense avoir aidé plein de jeunes homos à assumer leur sexualité." avait-il déclaré à Paris-Match en décembre 2015 et, à n'en pas douter, oui il a aidé à ne pas remiser le fait d'aimer les hommes quand on est un homme dans les tréfonds d'une honte convenable jadis. Michou était tel Jacques Chazot : il assumait en ringardisant d'un revers de la main toute réserve le concernant. Caricatural évidemment sans surjouer le côté "Cage aux folles", il a tenu haut l'art du cabaret transformiste jusqu'au bout en ralliant finalement les plus perplexes. "Je ne vais pas écrire ici l'histoire du cabaret, mais j'aimerais rappeler que si nous n'avions pas inventé le transformisme, nous lui avions déjà donné dans la bonne humeur des couleurs qui nous étaient propres." rappele-t-il sur l'une des pages du site internet du Cabaret Michou.

Roi de la fête et de la démesure [comme Régine le fut dans le VIIIème arrondissement], il s'est acharné à maintenir une ambiance confinée, feutrée, amicale et chaleureuse conférant à ce lieu magique, une qualité : celle de permettre au temps de rester suspendu et à la joie de vivre de règner en maître sans honte par delà les différences.
"Nous étions tous de joyeux lurons, Eugène, Lucien et moi, prêts à tout pour épater la galerie en nous amusant. «Chez Michou » s'appelait encore Madame Untel, on y dansait au sous-sol et on n’y croisait pas que des machos et des oies blanches. Un beau soir, l'envie nous est venue d'ajouter un peu de folie à cette adresse qui commençait à ronronner... Maquillés, déguisés et dotés de pseudos farfelus, la Grande Eugène, Phosphatine, Miss Glassex, Paulette Harpic, Lady Paic... Nous nous sommes jetés à l'eau un jour de mardi-gras. C'était en 1968 ! Nos clients ont aimé, ils en ont même redemandé... Les bases de la revue étaient écrites, elles se sont affinées avec les années, toujours entre émotion et rire. J'imitais Brigitte Bardot en terminant mon numéro presque nu ... Pour l'époque, c'était culotté ... " voilà comment Michou racontait l'essor du Cabaret Michou.

Au delà des convenances d'usages, on rappellera également que l'élection à la Mairie de Paris avait pris l'habitude de se faire aussi chez Michou, qui adoubait ou pas l'impétrant soucieux de présider aux destinées de la capitale. Il était comme ça Michou : le tout-Paris s'y précipitait pour partager une coupette de champaaaagne, avec plus ou moins d'hypocrisie dont il n'était pas dupe, décochant ici et là quelques vérités bien senties qu'on serait en mal de contredire comme lorsqu'elles viennent de l'esprit incisif de ces vieux singes à qui on ne la fait pas parce qu'ils ont vu trop d'audacieux essayer de leur apprendre à faire des grimaces. Du FN à l'autre côté, tout le monde se précipitait chez Michou pour avoir sa photo du maître des lieux, pas dupe et ayant ses préférences mais ne daubant jamais celles et ceux qui croyaient passer inaperçus. Chirac y allait régulièrement, Delanoé aussi et c'est ainsi que le pape de la nuit parisienne se maintenait, malgré les modes comme un phare au milieu d'un Montmartre qu'il avait contribué à réhabiliter. Il avait aussi immortalisé les stars qui étaient venues le voir jadis et qui étaient parties pour un "long voyage" comme il avait coutume de le dire lorsqu'il évoquait les avis de décès. 

"Michou le Prince de Montmartre est parti en voyage comme il disait à chaque fois qu'un de ses amis s'envolait. Le dernier dinosaure des nuits parisiennes nous a quitté aujourd'hui. Grâce à Michou, le transformisme est devenu un art. Au delà de l'homme de spectacle, Michou a été aussi un homme de conviction et a toujours été un défenseur de la diversité des genres. Bon voyage Michou" ont écrit les Michettes, ses danseurs.

Le ciel hier était moins bleu qu'à l'accoutumée ... 

Image

... Michou est parti et avec lui un peu des nuits parisiennes d'antan, un peu d'histoire, un parcours de liberté, de la légèreté, du bleu, de la fierté mais aussi de la visibilité dont chacun profite un peu aujourd'hui ... et probablement beaucoup de pétillance. 

Tto, triste

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité