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une vie de tto
17 octobre 2019

Persona non Greta

Persona non Greta

S'il avait été question de vraiment lui remettre le Prix Nobel de la Paix, j'avoue que j'aurais sombré dans une incrédulité qui l'aurait disputé à une certaine colère. Qu'on ne se méprenne pas, ce n'est pas ce que charrie Greta Thunberg qui m'aurait semblé sur-côté mais plus exactement le fait que l'on récompense alors le phénomène de foire buzzifiant à tout va qui est devenu une icône qui ne laisse personne indifférent. C'est bien le moyen de faire passer le message qui aurait été adoubé plutôt que le message et il est fort heureux que les jurés suédois n'aient pas versé dans cette facilité.

Véritable prédicatrice de la collapsologie inéluctable qui menace tout le monde si l'on ne se range pas docilement aux conclusions peu négociables de la jeune suédoise, Greta Thunberg est devenue un symbole dérangeant ou revigorant [c'est selon] qui dispose de relais familiaux en mesure d'avoir accès aux micros [sa mère est une chanteuse qui représenta la Suède à l'Eurovision en 2009 et qui fait une carrière dans le lyrique ; son père est un acteur de cinéma ; elle est la petite cousine du Prix Nobel de Chimie de 1903 qui étudia ... le changement climatique]. Une chose est certaine : elle a imposé dans l'agenda mondial la question climatique avec davantage de force que les plus beauc discours dans les cénacles des Cop ou des forums onusiens. Initiant avec une science marketing confondante des mouvements populaires qui font périodiquement la une des journaux télévisés [parce que les images en question sont faciles], Greta Thunberg défrise les apôtres d'une transition lente et met la jeunesse dans la rue en prenant à témoin les générations l'ayant précédée en leur faisant remarquer leurs inactions quand il ne s'agit pas des postures dans lesquelles se vautrent tous les décideurs depuis de trop nombreuses années.

C'est un fait, Greta Thunberg a raison s'il l'on s'en tient au diagnostic. L'extinction de masse est en cours, le climat évolue trop rapidement et le pire est devant nous. Pour autant et comme l'expliquait encore récemment Jean-Louis Etienne, la prise de conscience dont Greta Thunberg peut se glorifier est certes salutaire mais elle est perverse parce qu'elle amène à vulgariser des concepts scientifiques qui ne peuvent pas nécessairement l'être. Ce faisant, on simplifie et on grossit le trait en focalisant sur l'essentiel alors que la problématique est complexe d'autant plus qu'elle ne procède pas simplement de la science mais qu'elle déborde sur les sciences humaines au sens très large. Pour la première fois depuis longtemps au sein de l'humanité, c'est d'une question de société qui ne dérive pas de la question religieuse qu'il est question. Pour la première fois depuis bien longtemps, il va falloir réorienter les comportements sans qu'un conflit armé n'en soit à l'origine. Le problème avec Greta Thunberg n'est pas la mise en scène discrète de son autisme, le fait qu'elle soit devenue la référente providentielle alors que des spécialistes s'époumonnent à dire des choses encore plus précises, ni encore qu'elle véhicule des discours apocalyptiques ou que sais-je encore. A son sujet, l'outrance est tout aussi abjecte que l'excès de révérence.

Greta Thunberg est un étendard et l'on serait bien en peine d'expliquer qu'elle a bien tort quand elle déclare : "Tout le monde n'arrête pas de dire que le réchauffement climatique est une menace existentielle, que c'est le problème le plus important de notre époque, mais tout le monde continue d'agir comme avant. Je ne comprends pas." Seuls les lobbies industriels puissants qui disposent de leviers d'influence maintes fois utilisés peuvent expliquer pourquoi il est quasiment impossible aujourd'hui dans la grande distribution d'éviter le plastique alors que tout le monde sait bien qu'il est l'un des périls les plus connus pour l'avenir. Sauf que le "comme avant" si péjoratif n'implique pas nécessairement d'être totalement jeté à la poubelle comme préconisé par Mademoiselle Thunberg. Et surtout, la caricature du "comme avant" ne peut se résumer au sul plastique ou à un billet d'avion qu'il est quasiment honteux de brandir. A quel moment Greta Thunberg explique-t-elle que la surconsommation dont Ikéa [aussi suédois qu'elle] est l'un des emblèmes mérite aussi d'être combattue avec autant de force qu'un vol Paris Bruxelles ? Quand Greta Thunberg expliquera-t-elle que les penderies qui débordent de vêtements sont encore pire pour l'environnement qu'un vol entre Londres et Sydney ?

Pour dépassionner l'ensemble, des scientifiques comme Robert Vautard expliquent que "Chacun est dans son rôle. Mademoiselle Thunberg ne parle pas pour les scientifiques – et je ne l'ai d'ailleurs jamais vu intervenir en ce sens – mais pour sa génération. Et elle appuie ses convictions sur des faits scientifiques. Ça me paraît normal", soulignant implicitement qu'un nouveau conflit de génération s'est ouvert. Et les éditorialistes français illustrent à loisir cette fracture, tout occupés qu'ils sont à se déverser sur les plateaux de télévision complices de leur ego ... Quelle indignité d'entendre l'épouvantable Yves Thréard se faire le relais d'un Bernard Arnault épouvanté par la vindicte de l'activiste suédoise sur ses produits [l'avantage de Thréard, c'est qu'il indique toujours le sens du vent ... ne craignant donc pas de changer d'avis comme de chemise par simple intérêt personnel]. Certes, on peut redouter une manipulation de mouvements anticapitalistes qui utiliseraient Greta Thunberg tant les solutions proposées se passent de la voiture, du téléphone portable, de l'avion et conduisent à une évidente décroissance économique qui ne manquera de faire des ravages dans des sociétés dopées au libéralisme économique mondialisé. Si elle n'est pas leur perroquet, Greta Thunberg laisse tout de même certains mouvements politiques annoncer des connivences et même davantage. "Extinction rébellion" en est un bel exemple, confondant la désobéissance civile et la [relative] non-violence avec le discours de Greta Thunberg [on s'amusera toujours autant du fait que ce mouvement d'extrême gauche s'amuse à rémunérer ses activistes au Royaume-Uni puisque c'est légal là bas]. Je veux croire que Thunberg ne verse pas dans cette radicalité politique et est l'interprête d'un sursaut générationnel. Toutefois, il serait salutaire de clarifier les choses, comme elle le fit sur l'argent qui la finance ou ses relations avec Ingmar Rentzhog [sur ce dernier point, la lumière tarde à se faire ou convaincre].

Au delà de la querelle de personne qui fait que Greta Thunberg concentre sur elle les attaques [ce qui est assez pratique puisque son autisme est un paratonnerre], oui il va falloir faire quelque chose mais contrairement à ce que les think-thank écologico-radicaux souhaitent, la radicalité ne permettra de remporter la partie. En cela, Thunberg annonçant déposer une plainte contre la France et d'autres pour leur inaction en matière climatique se trompe de cible dans la mesure où la France cherche des pistes et est probablement plus verte que sa voisine allemande qu'Angela Merkel a précipité dans les bras de l'industrie du charbon après Fukushima [tout le monde oubliant que cela lui a permis également de sanctuariser des emplois industriels au bilan carbone épouvantable]. Tout ne peut être décrété du jour pour le lendemain et les prochains interdictions de circuler concernant les véhicules trop vieux ou polluants vont encore mettre ceux qui n'ont pas les moyens de toruver une alternative dans des situations difficiles, ce qui favorisera le populisme Lepéniste ou, plus mondialement, Trumpien.

Greta Thunberg pose le bon diagnostic et je participe comme elle de l'idée que nos comportements doivent changer et évoluer, étant précisé qu'il n'est plus temps d'attendre. Mais cela suppose des moyens, une trajectoire coordonnée et surtout de l'accompagnement. Il n'est pas besoin de surjouer la colère à New-York ou la mère Fouettard, de jouer la comédie de l'enfant accusateur de ceux qui lui ont gâché son monde ou d'annoncer la fin du monde dans deux ans pour faire passer le message. C'est un peu à l'image des sociétés actuelles : il faut sortir les ogives nucléaires pour annoncer qu'on va dégommer un moustique. Bien sur que le moustique n'y survivra pas, mais il est probable que plus grand chose non plus autour ...

Tto, pas fan du tout de Thunberg mais qui aimerait bien en faire un peu plus pour aller dans son sens [qui est le nôtre]

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