Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
une vie de tto
11 juillet 2019

Les surprises délicieuses de la Conjuration d'Amboise

2019 - TOUT CE QUE TU NE SAVAIS PAS ENCOREA force de raconter ma vie depuis tant d'années, on imagine que je n'ai plus rien à révéler ... c'est bien mal me connaître. Ça tombe bien, c'est la série de l'été.


C'est en rentrant dans la salle d'examen que je me suis dit que ça n'allait pas le faire. Il faut dire que c'était l'une des dernières matières que j'avais à passer et, je le reconnais volontiers, j'avais négligé totalement de réviser quoi que ce soit. Circonstance aggravante : je n'avais assisté à quasiment aucun cours de l'année et pour cause, je travaillais. A l'époque en effet, je menais une double vie [déjà ...] : je vendais des chaussures le mercredi après-midi et le samedi après-midi, et le reste du temps je poursuivais mes études. Autrement dit, les cours du mercredi après-midi, je n'y assistais jamais. Ce n'est pas bien grave, je récupérais sur les autres mais pour un garçon qui est tant auditif que visuel, ça handicapait un peu.

Entrant donc dans cette vaste salle installée dans un pré-fabriqué en face de la faculté de pharmacie, je savais que j'allais jouer à la roulette en espérant qu'elle ne fut pas russe. La matière était l'histoire du Droit pénal ... vaste programme.

La prof qui interrogeait était celle qui dispensait sa science en amphithéâtre et qui jouait les sadiques auxquelles son rang de titulaire d'une charge d'enseignement universitaire ne permet pas de contester quoi que ce soit. Revêche, cassante et assez cruelle avec celles et ceux qui se désunissaient devant la porte de prison turque qu'elle se plaisait à sur-jouer, elle jouissait manifestement du pouvoir qu'elle tenait entre ses doigts pendant les quelques minutes de l'examen oral. J'avais donc décidé de jouer sur le même terrain qu'elle, en connaissant pourtant les abîmes d'ignorance de son programme dont le mot "impasse" est bien trop modeste pour en figurer l'étendue.

Elle contrôle ma carte d'étudiant, me fait gentiment remarquer qu'elle ne m'a pas souvent vu lors des séances magistrales du mercredi après-midi et bloque en attendant ma réponse. "C'est que, Mademoiselle, je finance mes études en travaillant et je ne vous cache pas que j'aurais préféré assister à vos cours que j'ai trouvés passionnants. Mais voilà, la vie étant ce qu'elle est, je vends des chaussures et d'ailleurs, je vous félicite pour l'élégance des vôtres." lui répondis-je ... Devant tant d'audace, elle inspecte ses souliers, tourne sa cheville et me dit "Vous trouvez ?". Ne me démontant pas, je la complimente sur la qualité du cuir dont elles semblent faites et avise la hauteur de ses talons [on l'ignore souvent mais cela bluffe toujours une femme qu'on fasse attention à la hauteur de ses talons] en lui demandant si les 6 centimètres de ceux-ci ne la fatiguent pas trop. "Vous avez l'oeil jeune homme ... ce sont bien des talons de 6 centimètres !" Ces divagations achevées, nous passons au vif du sujet et elle m'invite à tirer au sort un sujet dans les petits papiers qu'elle a disposés devant elle.

Piochant en m'en remettant à ma bonne étoile, je tombe sur un sujet dont j'ignore tout. Devant mon embarras flagrant, elle me demande ce qui se passe et je mute alors en pauvre petit malheureux. "C'est que ... je n'ai pas eu le temps de bien approfondir ce sujet là Mademoiselle".
[C'est à cet instant qu'il faut que je t'explique que nous sommes en face d'une professeure qui doit avoir aux alentours de 55 ans, chignon versaillais impeccable, petit tailleur Chanel rose pâle et qui se fait appeler "Mademoiselle" parce que c'est ainsi et que cela évite quelques questions, foncièrement inutiles]
M'expliquant que c'est très embêtant, elle me propose donc de piocher une seconde fois.

Boum patatra ... je retombe exactement sur un truc dont je ne connais rien.
- Ah mais c'est très fâcheux cela Mr Tto ...
- Croyez bien que j'en suis amèrement désolé Mademoiselle.
- Mais comment allons-nous faire ? Vous me mettez dans une situation très délicate vous savez. Je ne vais quand même pas vous demander de choisir votre sujet tout seul !
- Ce serait plus confortable mais je comprendrais que vous ne l'acceptiez pas. Encore que vous pourriez être surprise par ledit sujet si vous me laissiez la liberté de le choisir.
- Tiens donc ... et pourquoi cela je vous prie ?
- Si je vous disais que j'aimerais vous parler des contingences juridiques de la Conjuration d'Amboise, ne seriez-vous pas surprise ?
- Ah ça par exemple effectivement ! J'avoue que je n'avais même pas pensé à un tel sujet ! Et à la réflexion, votre audace pique ma curiosité. Partons donc là dessus je vous prie.

Je pars donc m'isoler pour un quart d'heure. Elle s'absente même de la salle pour aller fumer de très fines cigarettes, avec le charme et la classe des fumeuses de clubs.
Revenant après m'avoir laissé le temps, nous commençons l'épreuve orale. Et je déroule ... [on est sur une période de l'Histoire de France que je maîtrise sur le bout des ongles, mon mémoire l'année précédente m'avait permis d'accrocher un joli 19/20] ... et quand je dis que je déroule, je déroule.

"Écoutez ... c'est merveilleux. J'avoue que je n'avais jamais pensé que l'on pût être aussi disert sur la question, dont je confesse qu'elle ne m'était pas apparue comme pouvant faire l'objet d'une interrogation dans le cadre de mon cours. Cela étant, vous comprendrez que je ne peux décemment pas vous mettre le 19/20 que vous méritez sur le sujet parce que vous avez décliné deux fois ce que le sort vous proposait. Je vais donc vous mettre un 14/20."

Je la remercie copieusement sans être trop obséquieux. Et là, au moment où j'allais me retirer, elle s'adresse à nouveau à moi :
"Vous savez, je suis dans le trouble maintenant. J'aurais vraiment voulu pouvoir vous compter parmi mon équipe pédagogique pour l'année prochaine mais j'ai, hélas, pourvu tous les postes à ma disposition. Cela vous intéresserait d'exercer une charge d'enseignement dans le cadre de l'Université ? Je pense que vous avez tout pour y réussir, à condition que vous ne fassiez pas d'impasses comme aujourd'hui évidemment. Dites-moi, cela vous intéresserait ?"
Répondant à l'affirmative et avec l'émotion d'une surprise aussi inattendue, elle poursuit : "Si vous m'y autorisez et que vous me fournissez vos coordonnées, je pourrais peut-être voir avec l'un de mes confrères dans une autre faculté s'il n'y aurait pas une place pour vous."

Elle tint parole et je débutais mes enseignements au mois d'octobre suivant. Je fus professeur pendant cinq années.

Tto, qui adore toujours retourner les situations

Publicité
Publicité
Commentaires
E
Très fort ! Mais je reste un peu sur ma faim, que puis-je lire sur les conséquences juridiques de la conjuration d’Amboise, je partage ton avis et celle de la demoiselle, le sujet est diablement intéressant...
Répondre
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité