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une vie de tto
23 septembre 2018

La première fois que nous nous sommes parlés

2018 - LA PREMIERE FOIS

Il n'est pas banal de cohabiter avec quelqu'un pendant douze années sans véritablement lui parler, c'est même d'autant moins banal quand il s'agit de ton père. C'est pourtant ce qui m'est arrivé. Lorsqu'il fit ce qu'il fit alors que j'allais fêter mon dixième anniversaire [auquel il n'est pas venu], j'ai commencé à raconter ici tout ce que j'avais fait pour maintenir à flot le mariage de mes parents, quitte à m'esquinter alors que lui passait du bon temps et avait oublié ce qui aurait dû être la priorité. C'est à partir du moment où j'ai remis un peu d'ordre dans tout cela que j'ai commencé à lui faire payer, tous les jours, pour tout et à chaque occasion la monnaie des pièces qu'il n'avait pas pensé à laisser sur la table.

"Glaçant" me confia un jour l'une de mes tantes qui prit le risque de m'en parler, trouvant absolument sidérant que du haut de mes dix ans j'ai trouvé la force de caractère d'assumer tant de chose et d'endosser un rôle qui n'était pas fait pour moi. Qu'importe ... elle comprît aussi le schéma terriblement déséquilibré que j'avais mis, en partie inconsciemment, en place. J'étais devenu le contre-pouvoir chez moi, celui qui savait tout et disposait alors d'un avantage comparatif énorme. Malgré les tentatives qu'il fit, mon père fut renvoyé avec froideur dans ses 22 à chaque fois et quand je m'aperçus qu'il flirtait encore avec la ligne jaune, j'ai mis trois ans à l'observer, à le laisser faire pour mieux le terrasser au moment où, moi, je l'avais choisi. Comble de perversité ? Possible ...

Malgré tout cela, en dépit du fait que je l'ai chassé de chez lui, que je l'ai forcé à entendre ce qu'un fils ne devrait jamais dire à son père [puisqu'il m'a forcé à entendre ce qu'un fils ne devrait jamais entendre ni voir de la part de son père], j'ai pris la décision, un soir, de renouer avec lui. J'étais parti vivre ma vie depuis plus de trois ans, je l'avais déjà trouvé en pleurs sur le seuil de sa maison ... oui, il était peut-être temps de cesser cette guerre que j'avais objectivement gagné maintenant que j'étais convaincu que toute vengeance n'appaiserait jamais la douleur que je conserve à l'intérieur.

Je lui ai donc proposé de nous voir parce que, lui avais-je dit, j'avais des choses à lui demander. Je l'ai laissé choisir le lieu ... je suis passé le chercher [je me souviens encore des yeux terriblement inquiets de ma Môman en nous regardant partir, redoutant certainement ce que j'avais à lui dire, elle qui savait de quoi j'étais capable]. Pourtant, j'étais loin de toute perspective belliqueuse ou hostile. Quelques semaines avant, j'avais eu une discussion avec moi-même [toujours les pires] et j'en étais arrivé à la conclusion qu'il était temps parce que :
- je gaspillais beaucoup d'énergie à m'opposer à lui,
- il ne méritait pas d'avoir perdu son fils à ce point malgré tout,
- il avait des pièces d'un puzzle dont j'avais besoin de savoir ce qu'elles étaient,
- il avait eu 25 ans avant moi et, même si rien n'était comparable, j'avais probablement envie de discuter d'égal à égal,
- j'avais envie de retrouver mon père, perdu depuis 15 ans,
- ce n'est pas quand il serait six pieds sous terre que nous pourrions nous parler.

On pourra toujours regretter que ce ne fut pas arrivé plus tôt, que tant d'énergie fut gâchée pour rien ... j'ai toujours pensé que je faisais les choses à un moment précis parce que c'était le moment juste. Là, nous devions nous parler ... j'avais décidé que la guerre était terminée.

A l'instar d'un wagon situé dans la clairière de Rethondes, nous nous dirigeâmes vers un Courte-Paille, celui qu'il avait choisi, ce soir de novembre un peu frais, pour une discussion dont il ne savait rien et dont, moi, j'avais déjà compris qu'elle serait la première pierre du chemin que j'avais décidé de poursuivre, dans une direction différente de celle empruntée jusqu'alors, pas loin mais juste pas la même.

[To be continued ... mais happy bitrhday to him]

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