Best of 2014

CE TEXTE A ETE ECRIT LE VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2008 VERS 20 HEURES

Je vais quitter cette maison dans moins de 48 heures, cette demeure dont les murs résonnent encore de milliers de souvenirs, avec des rires, des pleurs, des cris d'enfants qui jouent, des effrois disproportionnés ...

J'aime cette atmosphère ... où que je pose mon regard, quelque chose me vient. C'est magique et étourdissant.

Vertigineux des fois, mais cela m'explique aussi pourquoi j'y suis tout attaché à cette maison, au delà de ma mission de légataire.

Dans ce jardin, j'ai maintes fois perdu, gagné, boudé, ri, mangé, bandé mes muscles, été essoufflé, j'ai cherché des oeufs de Pâques, j'ai fait des grosses bêtises, je me suis imaginé tant de choses. J'en ai fait une forêt, une contrée aux mille histoires chimériques. Chaque recoin m'est familier. Je le connais par coeur, chaque centimètre, chaque pierre ... je sais exactement où se cacher, où tu peux pisser tranquille sans être vu, où tu pourrais faire des rencontres inopportunes avec souris et araignées.

Ce soir, je suis allé au cimetière et, comme à chaque fois, j'ai pleuré. paradoxalement, ce n'est pas sur la tombe de mes grands parents que je suis à chaque fois submergé [je n'ai pas connu ma grand-mère et mon grand-père m'est souvent apparu brutal, rustre et très inaccessible pour le petit garçon que j'étais alors].
C'est devant celle de ce pauvre homme, italien, que j'appelais Pépé et qui est, par amour, venu finir ses jours ici, tout seul face au mépris local ...
C'est aussi celle de cette femme qui m'avait donné mon lapin, Arthur, cette dame aux cheveux blancs dont je connais encore le sourire lumineux et que je vois encore dans sa maison à une vingtaine de pas de la notre ...
C'est devant la tombe des voisins d'en face qui étaient tout pour moi ... je jouais [comme ma mère] à retourner sa casquette à lui, cette casquette de vieux paysan buriné par la terre mais pour rien au monde je ne regrette cet après-midi où il m'a expliqué sa passion pour la musique militaire et la chasse à cour en me sortant ses trésors enfouis dans de vieilles boites en fer dont la rouille vaut tous les carbones 14 ... Elle, je lui ai écrit un jour, ce qu'elle représentait pour moi, ma grand-mère de substitution. Nous n'en avons jamais parlé, nous nous comprenions peut-être trop bien pour avoir à gaspilller tout cela avec des paroles.

Dans ce cimetière, nombre de noms m'évoquent des destins tragiques, une anecdote, un rire partagé, quelque chose .. et derrière chaque pierre de ce village, il y a une histoire. Chaque bâtisse me rappelle un épisode passé. Je n'ai pas la prétention de connaître tout le monde ni de tout savoir. Je sais juste que ce village a une âme en plus de son histoire, que je l'aime et qu'y venir m'y reposer est véritablement ce qui me plaît. Je ne fais pas grand chose, je suis dans un trou paumé où les portables passent mal [et j'espère qu'ils passeront mal longtemps], je suis à des années-lumière de tout bling-bling tapageur ...

Non, je côtoie juste mes spectres familiers, je me retrouve dans ce bazar de souvenirs parfois très personnels et je m'y trouve bien.

Je n'aime rien de plus qu'arpenter depuis 30 ans les mêmes chemins en vélo, ces satanés faux-plats, ces itinéraires dont je connais chaque raccourcis. J'adore passer mon temps sur une chaise à brûler ma peau si douce mais à présent habituée en sorte que je repars toujours avec une mine superbe.

Tu vois c'est la simplicité et l'authenticité chargées de souvenirs qui me font revenir ... qui me ressourcent ... qui m'apaisent ... qui me ...

Sauf à ce que je sois entouré d'hypocrites, je ne dois pas être le seul à ressentir tout ou partie de cela puisqu'à peine partis d'Ensigné, la première question qui revient c'est ... quand est-ce qu'on revient ?

Tto, qui aime et donc ne compte pas