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une vie de tto
15 mai 2014

Vraiment plus loin avec Manu

Plus loin avec ManuPremière partie de l'interview : ici
Deuxième partie de  l'interview : ici
Troisième partie de l'interview : ici

Je fais partie de ceux qui pensent que l’élection présidentielle de 2017 est loin d’être jouée, notamment pour François Hollande. Et toi ?

Je suis d’accord. La 5e République protège la figure présidentielle, et même s’il est extrêmement impopulaire, rien ne peut dire ce qu’il va se passer dans 3 ans. Qui pouvait dire que Sarkozy ferait un score si important, au vu de son impopularité ? Après, je ne suis pas non plus hyper optimiste.

Qui est le plus à gauche selon toi : Jean-Louis Borloo ou Manuel Valls ?

Hahahahaha. Valls, sans hésiter. La différence se fait sur quelques points, notamment sur la priorité maintenue à l’éducation, par exemple

« Quelques », ce n’est pas grand-chose quand même … Tu penses donc encore que les élections se gagnent au centre ?

Les élections se gagnent en deux étapes : 1) parler à son électorat traditionnel, 2) parler aux 40-45% de Français qui ne savent pas quelques jours avant le vote pour qui voter, proportion qui à mon avis va augmenter dans les années qui viennent, car la société me paraît moins traversée par les idéologies (libérales, socialistes/communistes/marxistes) qu’avant. Mais peut-être me trompe-je.

Pour le PS, elles se gagnent donc en rassemblant une grande part de la gauche, mais aussi en séduisant au centre.

Voilà bientôt 2 ans que François Hollande a été élu par une majorité de suffrages exprimés. Que faut-il retenir, selon toi, de ces 2 premières années ?

D’une part des moins : une absence de lisibilité de l’action de l’Etat. On ne sait pas trop où on va. Une impression d’impréparation totale, d’amateurisme, et de manque de choix clairs.

Mais aussi des plus : la priorité renouvelée à l’éducation (60 000 postes, rythmes scolaires…), quelques réformes sociétales (le mariage par exemple), même si elles ne sont pas allées au bout par peur de l’opposition

Des espoirs enfin : j’espère qu’il ira au bout de la réforme territoriale (je suis concerné professionnellement, et il faut vraiment la faire), qu’il relancera la production d’énergies renouvelables. Et oui j’y crois encore un peu… du moins j’espère… On me dit souvent que je suis un peu naïf ou trop gentil, au choix. C’est fort possible. Mais si on n’a pas d’espoir, pourquoi faire de la politique ?

As-tu déjà eu envie de rendre ta carte du parti ?

Non, pas pour le moment.

Pourquoi ?

Je suis socialiste, profondément, avec tous mes doutes et mes envies, et je me reconnais dans la pensée incarnée par le PS

Faut-il, selon toi, changer la Constitution ?

Dans quel sens ? Ce n’est pas en changeant la constitution que l’on résoudra la crise démocratique.

Pourquoi ?

Il faudrait plutôt un changement très profond de la culture politique, et notamment un renouvellement profond du personnel politique, moins professionnalisé (il y a trop de gens qui n’ont jamais travaillé, ou qu’en politiques, comme des collaborateurs d’élus, qui sont certes des gens brillants, mais éloignés de la réalité du travail).

Mais c’est assez paradoxal de dire cela … Tu nous dis que l’une des critiques que l’on peut faire à François Hollande est l’impréparation et tu penses qu’il faudrait éviter de confier les clefs à des professionnels de la chose … Comment tu résous cette contradiction ?

Attention, je parle avant tout des élus locaux, voire même des parlementaires (qui se spécialisent sur certains sujets en général). Être président de la République n’a rien à voir.

Ensuite, être collaborateur d’élu n’a jamais préparé à être élu. Ce n’est pas le même travail. Je le vis avec certains collègues qui sont des collaborateurs et des élus en même temps. On n’attend pas la même chose d’eux. Un collaborateur doit avoir une connaissance plus technique des sujets, et doit conseiller l’élu, qui lui a la vision politique, et doit porter la politique de sa collectivité, mais ne doit pas prendre la place des services, chargés de mettre en œuvre techniquement ce qui est décidé. Et surtout l’élu se confronte à l’habitant. Pas le collaborateur. La plupart des élus travaille à côté ou a travaillé avant d’être élu à un mandat nécessitant de s’y consacrer à plein temps. 

Enfin, quand je parlais d’impréparation, je parlais du fait que nombre de projets de loi n’étaient pas prêts avant même l’élection, en particulier sur les engagements majeurs. Ils ont été préparés à l’emporte-pièce, dans une cacophonie totale, comme si on était en congrès du PS et non aux commandes d’un pays entier, sans lien avec le Parlement. Le moindre mouvement de colère signifiait un recul (cf les Pigeons, la LMPT sur la PMA, etc.). Et pourtant tous, ou presque, et en particulier le Président de la République, étaient de bons Présidents de collectivités, donc au fait de la décision publique. Président de la République c’est vraiment quelque chose d’unique, surtout en France où c’est quasi un Roi…

Finalement, le pouvoir n’est-il pas, inévitablement, de nature à pervertir ?

Si bien entendu. Il amène à faire des compromis, à oublier certaines valeurs, notamment pour espérer le conserver. Je vois la difficulté qu’ont les anciens élus à raccrocher, c’est terrible. Et c’est une question que je me pose moi-même… Peut-être qu’un jour, une pause sera nécessaire (voire un arrêt complet). Je ne sais. J’ai déjà demandé à mes proches de me prévenir s’ils sentent que je peux dériver vers la caricature de l’élu baron local, incapable de se remettre en cause. Car je ne suis pas certain de le voir de moi-même.

J’ai envie de te taquiner un peu … Qu’est-ce que Nicolas Sarkozy a fait de bien pendant son mandat que la Gauche a, finalement, bêtement et par reflexe, annulé ?

A-t-on finalement annulé tant de choses que cela ? A part la défiscalisation des heures supplémentaires ou le recul de l’âge légal de départ à la retraite ? Ou encore Hadopi (même si cette connerie n’a plus aucun sens aujourd’hui) ?
Peut-être les réflexions sur la réforme territoriale… on revient sur certaines choses aujourd’hui.
Quant aux premiers choix, je les pense bons. Même si discutables. 

Quand tu regardes dans le camp d’en face, tu dois bien voir des gens dont tu pourrais regretter qu’ils soient de droite plutôt que socialistes à raison de leur qualités personnelles notamment. Tu as des noms ?

Franchement je ne connais pas assez les qualités personnelles de la plupart des gens, qu’ils soient socialistes, d’autres mouvances de la gauche ou de droite. Nous avons des différences idéologiques. Maintenant, il y a des gens brillants partout, à droite comme à gauche. Franck Riester (pour son positionnement sur le mariage) ou Alain Juppé par exemple sont des gens que je respecte (même si Juppé a couvert son patron, Chirac, à l’époque RPR, et a payé pour des choses dont il n’était qu’un rouage). Même si je ne partage pas leur pensée.

Etre de gauche en 2014, c’est quoi en définitive ?

Croire en l’Homme, en sa capacité à évoluer vers du mieux, en sa capacité à réfléchir et à œuvrer pour l’intérêt général. Croire en la solidarité et en l’intérêt général également.

Si tu devais résumer l’action politique en un seul mot, tu dirais quoi ?

Soit je suis optimiste : Le courage (enfin sa définition par Jaurès)
Soit plus pessimiste : Don Quichotte (oui c’est deux mots, mais bon, c’est la première image qui me soit venue)

Je sais aussi que tu vis avec un homme. Lorsque l’on évolue dans la sphère publique comme tu le fais, j’imagine qu’on a davantage de pression à cet égard et que l’on fait plus attention à beaucoup de choses. Comment tu gères cela ?

Mon choix est de laisser le plus possible ma vie personnelle en dehors de ma vie politique. Ce n’est pas facile tout le temps, mais j’ai aussi besoin d’un espace à moi, non public. Je ne cache pas ma vie sentimentale, mon couple avec mon ami, mais je n’en parle pas non plus. Sauf bien sûr à quelques proches. Je ne vais pas aux cérémonies publiques en sa compagnie. D’abord parce qu’il s’en tape, lui. Ensuite, parce que j’ai horreur des hommes politiques qui promènent leur femme (l’inverse étant rare) comme un trophée (comportement dégradant et totalement hypocrite, quand on connaît certains us et coutumes de quelques-uns de quelques-uns de nos grands élus pour ne rester qu’à un niveau élevé). Enfin parce que ça ne regarde que moi. Ce qui compte pour moi, c’est la qualité du travail que je vais pouvoir apporter. Après, bien entendu, mes convictions sont orientées par ce qui fait de moi ce que je suis, et donc certains sujets, comme l’égalité des droits, la lutte contre les discriminations sont des sujets qui me parlent plus que d’autres. Mais je n’utiliserai pas le fait d’être homo comme argument pour quoi que ce soit.

Bertrand Delanoé a-t-il simplifié les choses en mettant sa vie personnelle sur la table ou a-t-il compliqué les choses en faisant en sorte qu’il faille le dire pour éviter que cela devienne un critère de jugement ?

C’est un débat récurrent : faut-il ou pas, pour des »personnes publiques », faire son coming-out devant toute la population ? Les arguments des « pour » étant généralement que c’est par la visibilité de ces personnalités que la banalisation de l’homosexualité se fera. Ils ont sans doute raison. Mais en même temps, je pense sincèrement que c’est à chacun de décider de ce qu’il veut faire et de comment il veut agir. Je n’ai pas envie de le claironner, peut-être par lâcheté, peut-être par volonté de protéger une part de moi, peut-être par mon histoire personnelle… je ne sais trop.

A mon avis, on arrivera à rendre l’homosexualité banale (si c’est bien cela qui est cherché) plus par l’éducation, par l’apprentissage de la différence et de ce qu’elle peut apporter à tous, que parce que quelques-uns/unes auront publiquement affirmé qu’ils le sont. Il suffit de voir le déferlement de haine qui est régulièrement remis à jour par les intégristes, de voir leur nombre, pour comprendre que sans un travail de fond, rien ne servira vraiment.

Merci Manu

Tto, qui aime aussi interroger les gens qui ont des choses à partager

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Commentaires
C
Merci pour cet interview. Pour l'interviewer dont certains journalistes devraient s'inspirer (instant fayot :) )et pour Manu qui a donné une vison de l'intérieure de la vie politique d'un élu impliqué avec ses doutes et ses convictions. Et à la question que l'on pose parfois " Avec qui aimeriez-vous diner ? " Je répondrai Manu pour en savoir plus. <br /> <br /> Et une question pour finir à Manu : Valls en 2017 sera-t-il candidat ? :)
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N
Merci Manu!<br /> <br /> Interview intéressante.
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J
C'est quand même curieux ces fameux 60 000 postes que personne n'a vus et que les socialistes nous vantent partout. A moins qu'il ne s'agisse de ces emplois au rabais sous contrat "trucmuche" pour faire du pseudo-soutien (1h/semaine) pour combler les dégâts que font les moyennes de 27 à 29 élèves par classe. Parce que la réalité, c'est aussi plutôt ça: http://www.bfmtv.com/societe/libourne-classe-terminale-cherche-prof-maths-facebook-774723.html<br /> <br /> Ca coûte un fric fou, c'est un gaspillage des deniers publics sans nom et ça n'a aucune utilité ! <br /> <br /> Les rythmes scolaires qui devaient alléger la journée... on rigole ! Les mômes de primaire restent le même nombre d'heures, parfois même un peu plus à l'école, même si ce n'est pas pour y faire la même chose. Au final, ils sont aussi crevés qu'avant, même plus puisqu'ils n'ont même plus le mercredi pour souffler et faire leurs devoirs.<br /> <br /> Il n'y a guère que les socialistes et les adeptes de l'école-garderie pendant que papa, maman travaillent pour adhérer à ce système. <br /> <br /> Par contre, les citoyens paieront via leurs impôts locaux... parce que ça aussi c'est une nouvelle spécialité des politiques de gauche comme de droite ! Reporter le coûts des décisions qu'ils prennent sur les impôts locaux qui ont explosé !<br /> <br /> C'est peut-être là qu'on se rend compte que les élus sont complétement déconnectés du terrain. <br /> <br /> Ne changeons rien à la Constitution: c'est vrai que depuis le quinquennat, on a juste une monarchie élective quinquennale par nature totalitaire puisqu'elle dispose pendant 5 ans de tous les pouvoirs sans aucun contrepoids ou contre-pouvoirs véritables (une seule motion de censure adoptée en ... 1962 ! belle anomalie démocratique). Il faut réduire le nombre de députés et de sénateurs, élire le sénat à la proportionnelle intégrale pour que toutes les sensibilités politiques y soient représentées, sans exclusive, réduire le mandat des députés à 3 ans et interdire de s'y représenter plus d'une fois, étendre celui du président à 6 ans pour qu'il y ait, à mi-mandat, des mid-terms comme aux Etats-Unis, qui permettent de faire un premier bilan électoral de l'action présidentielle.
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