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une vie de tto
19 octobre 2010

Best of : On peut faire l'amour avec les mains

Publié le 6 janvier 2010

La silhouette est frêle, incertaine et témoigne d’une vie longue.
Ce 30 décembre, à l’angle de la rue de la Convention et de la rue de Vaugirard, je croise à nouveau ce vieil homme qui perce la foule traversant anarchiquement, pressée comme si l’année allait se terminer et qu’à l’instar d’un papillon affolé en sentant sa vitale lumière s’amoindrir, il fallait s’activer prestement.

A nouveau … oui … Quelques minutes auparavant, c’est à la caisse du Monoprix que nous nous sommes croisés, qu’il m’a succédé pour déposer ses achats … son regard témoignant de l’angoisse de la maladresse que les personnes âgées ne parviennent plus à maîtriser, ce qui les fait redouter chaque geste inusuel.

Grand, maigre, avec un pardessus beige comme on n’en fait plus, il tremble. Les nerfs éprouvés par la vie, il est désormais sur le trottoir remontant la rue de la Convention, le regard au loin comme pour dominer au mieux les multiples obstacles qui, potentiellement, pourraient le mettre en difficulté.

Sa seule défense est donc de maintenir haut le chef, être altier … et de tenir dans sa main celle qui l’accompagne tous les jours. Elle n’est pas plus potelée que lui, drapée dans un énorme manteau bien chaud qui lui permet d’affronter le froid transperçant de cette année agonisante. Elle doit avoir son âge, ses gestes sont malhabiles, son regard un peu bleu m’incite à penser qu’elle se méfie de tout ce qui pourrait la faire trébucher. A sa main droite, un cabas avec quelques provisions … comme pour réfléchir celui qui l’accompagne.

Hypnotisé par leur présence et leur procession, je vais les regarder passer doucement mais inébranlablement. Pour moi, le temps s’est arrêté. Il ne fait plus froid, il n’est plus tard, je n’ai plus rien à faire d’autre que de les regarder passer, leur laisser le chemin.
Lorsqu’ils me dépassent, ce sont leurs mains jointes l’une à l’autre que je fixe, dont je scrute tous les détails.

Au crépuscule de 2009, voila l’image qui me marque. Deux personnes chargées d’histoires et de provisions qui se donnent la main pour traverser la rue de Vaugirard, avec la force du désespoir dans ces mains … celle qu’ils seraient perdus l’un sans l’autre, celle qu’ils ont besoin l’un de l’autre pour remonter chez eux, celle qu’ils sont tout l’un pour l’autre.

Je ne reverrai jamais cet homme et cette femme, ce qui ne m’empêche pas de leur souhaiter de se donner la main très longtemps encore. A leurs mains défendantes, je les remercie de cette image simple mais profondément émouvante de ce qu’est l’amour.

Tto, qui essaye de faire pareillement, tous les jours

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Commentaires
W
Bien que j'avais lu ce billet lors de sa publication, je retrouve cette émotion intacte...
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J
c'est toujours superbe à relire, l'un des meilleurs billets
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B
Voilà l'un des plus beaux billets que j'ai lus dans la blogosphère.<br /> Merci pour ce partage...
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